LAMA

GUENDUNE RINPOCHÉ

                      APERÇUS DE VIE

Dans les années 1970, de nombreux occidentaux en quête de spiritualité se tournèrent vers le mythique Orient et sa sagesse millénaire afin de trouver un sens profond à l’existence. C’est dans ce contexte qu’il fut demandé à de grands maîtres tibétains d’apporter les enseignements du Bouddha en Occident et notamment en France. Parmi eux se trouvaient Dudjom Rinpoché, Kalou Rinpoché ou encore Sa Sainteté le 16e Gyalwa Karmapa. Le Karmapa, considérant avec sérieux cette demande, réfléchit aux différents moyens à mettre en œuvre, afin que ces enseignements puissent être transmis de manière authentique et demeurer sur le long terme. Cette réflexion l’amena à préconiser la mise en place de cinq éléments, habituellement connus comme les 5 souhaits du Karmapa. Ensemble, ces éléments allaient constituer un véritable système interdépendant au sein duquel chaque personne pourrait trouver une réponse à ses aspirations profondes. C’est ainsi que le Dharma pourrait s’implanter durablement en Occident. Enfin, le Karmapa choisit la France et plus particulièrement la Dordogne afin d’y établir le siège européen de l’école karma kagyü. Il demanda à lama Guendune Rinpoché [1918-1997], un maître hautement accompli, qualifié dans la transmission de la pratique, de venir s’en occuper.

Guendune Rinpoché est né en 1918 au Kham dans l’ancien royaume de Nangtchen, actuelle préfecture autonome tibétaine de Yushu. Cette région était traditionnellement connue pour son mysticisme et nombre de ses habitants se consacraient à la méditation dans les grottes. C’est dans cet environnement que, dès sa prime enfance, Guendune Rinpoché éprouva une aspiration profonde pour la spiritualité. Il racontait que l’un de ses passe-temps favoris consistait à jouer à l’ermite. Il construisait une hutte un peu isolée, confectionnait un siège avec de la terre, remplissait d’eau un vase et conférait des initiations, tout en récitant des prières.

Bien que n’ayant pas véritablement reçu d’éducation religieuse, tout son esprit aspirait à recevoir les enseignements du Bouddha. Il se posait de nombreuses questions sur l’existence et sur la mort. En observant la vie de ses parents, des gens simples et droits, il comprit assez vite que les préoccupations liées à cette seule existence étaient inutiles et sans lendemain. Qu’allait-il se passer après la mort ? Il était clair dans son esprit qu’une vie ordinaire ne pouvait conduire qu’au mal-être. Il réfléchissait intensément aux différentes souffrances éprouvées par les êtres de toute sorte et notamment aux souffrances intolérables que vivaient certains d’entre eux. Comme il le dit lui-même : « J’éprouvai une grande compassion pour leur détresse et je redoutai que mes parents ne connussent à leur mort de telles souffrances ». Ces observations et réflexions l’amenèrent à comprendre de manière définitive que ce que l’on vit est le résultat d’existences antérieures et cette compréhension détourna pour toujours son esprit d’une vie mondaine : il n’était plus question de vivre une existence qui ne fut consacrée au Dharma. Il acquit alors la ferme résolution de rencontrer un maître spirituel. Ses parents finirent par céder à ses requêtes répétées et le conduisirent au monastère de Khyodrag afin qu’il puisse recevoir une éducation bouddhique.

C’est ainsi que vers l’âge de sept ans, en accord avec ses souhaits, Guendune Rinpoché commença son apprentissage bouddhique. Il s’intégra aisément à la vie au monastère et adorait rester en méditation. Il passa de nombreuses années à apprendre à méditer aux pieds des grands maîtres qui demeuraient au monastère. Néanmoins, sa formation principale consistait à étudier les textes du bouddhisme. Ce n’est qu’à partir de ses 13 ans qu’il commença véritablement à pouvoir mettre en application, par la méditation, ce qu’il avait appris. Il effectua alors plusieurs retraites en solitaire au monastère ou dans des grottes. De tout son être, il n’aspirait qu’à des pratiques essentielles pour obtenir rapidement la réalisation spirituelle. C’est aussi vers cette époque qu’il put rencontrer le Karmapa, chef spirituel de l’école Kagyupa, en visite au monastère de Khyodrag. Celui-ci n’était encore qu’un tout jeune enfant, mais Guendune Rinpoché comprit qu’il était son maître racine.

A 17 ans, il reçut l’ordination monastique majeure et c’est à l’âge de 21 ans qu’il effectua la retraite traditionnelle de trois ans et trois mois. Guendune Rinpoché reçut alors les transmissions et instructions les plus profondes de la lignée kagyü. Par sa pratique, il put en pénétrer le sens profond à tel point que son esprit s’imprégna totalement de celui de ses maîtres. A l’issue de cette retraite, il partit un an en pèlerinage dans les différents lieux saints du Tibet et put à nouveau assister à la cérémonie de la coiffe noire donnée par le Karmapa, à Tsurphu, son siège.

De retour chez lui, au monastère de Khyodrag, il se mit en retraite solitaire. Pendant plus de 10 ans, il continua à pratiquer inlassablement la méditation, jusqu’à ce qu’un jour, ses maîtres, Tulkou Tendzin et Khenpo Mingyur, vinrent lui dire qu’il avait obtenu l’entière réalisation de sa pratique. Ils lui expliquèrent qu’il avait maintenant la capacité d’accomplir le bien des êtres, il était véritablement porteur de bénédiction. Il était temps pour lui de sortir de sa stricte réclusion.

Quittant alors le monastère, Guendune Rinpoché entreprit à nouveau, avec un de ses compagnons de retraite, un pèlerinage dans les montagnes du Tibet et du Népal, pèlerinage au cours duquel il fit de larges offrandes et de puissantes prières de souhaits. Il pratiqua intensément dans différentes grottes bénies par les grands accomplis du passé, tels Padmasambhava et Milarepa. Conscient de la valeur de la vie humaine et de son caractère éphémère, il voulait utiliser son plein potentiel pour obtenir la connaissance directe, totale et définitive de son esprit. C’est ainsi que Guendune Rinpoché paracheva sa réalisation et devint un grand bodhisattva.

En 1959, lorsque les événements se précipitèrent et que l’occupation militaire du Tibet par les chinois devint totale, lama Guendune se trouvait toujours en retraite dans les montagnes. Lors de sa méditation, il eut la vision d’une divinité qui lui conseillait de s’en aller vers le sud, l’assurant de sa protection présente et à venir. Sans rien connaître du chemin à suivre, il se mit en route, avec deux compagnons de retraite. C’était un voyage extrêmement périlleux, mais Guendune Rinpoché avait une certitude absolue dans la protection des Trois Joyaux (Bouddha, Dharma, Sangha) et au final, ils parvinrent à traverser les lignes chinoises sans être vus, et à gagner l’Inde.

Une fois en Inde, ils furent mis dans un camp de transit, où on leur demanda de construire des routes au Sikkim. Guendune Rinpoché était là depuis près de trois semaines quand il apprit que Sa Sainteté Karmapa était lui aussi au Sikkim, dans le monastère de Rumtek, son nouveau siège. Il décida immédiatement de s’y rendre afin de le rencontrer. Arrivé à Rumtek, Guendune Rinpoché fut invité à voir le Karmapa qui le bénit profondément et le conseilla sur son futur proche. C’est ainsi que grâce à la bienveillance de Karmapa, il fut invité ainsi que trois autres moines, dont lama Phurtsé, à résider à Kalimpong dans l’état du Bengale-Occidental, chez un grand bienfaiteur, M. Jyoti. Ils y vécurent quasiment en retraite pendant une douzaine d’années, pratiquant et méditant sans relâche. Chaque année, cependant, Guendune Rinpoché se rendait à Rumtek, au monastère de Karmapa où il recevait de nombreuses transmissions et instructions.

Dans les années 1970, Karmapa lui demanda de s’occuper d’un monastère nouvellement établi au Bhoutan Oriental, par la mère du roi. Il partit ainsi au Bhoutan, mais au dernier moment, il put se faire remplacer à la tête du monastère et demeurer une nouvelle fois en retraite selon ses souhaits.

Cependant, une combinaison singulière de circonstances allait changer définitivement le cours de sa vie. Certains occidentaux ayant compris que la tradition méditative bouddhique pouvait être d’une grande aide à un Occident quelque peu en perte de valeurs spirituelles, voulurent en acquérir la connaissance. C’est ainsi que de nombreux maîtres tibétains furent sollicités et invités en Europe et en Amérique du Nord. Parmi eux, le 16e Karmapa qui de son côté, prenait conscience que le moment était venu de répondre aux besoins exprimés par les occidentaux. Invité en France par M. Benson, il entreprit de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour que le bouddhisme soit transmis de la manière appropriée. Il dépêcha ainsi l’aîné de ses neveux, Jigmé Tsewang Rinpoché, pour le représenter et il choisit aussi lama Guendune Rinpoché pour enseigner aux occidentaux. Il le considérait comme un lama hautement qualifié possédant une très grande expérience de la méditation.

Une nuit, il fit venir Guendune Rinpoché dans ses appartements à Rumtek et lui dit : « tu as mené ta pratique jusqu’à son terme et le moment est venu pour toi d’accomplir le bien des autres. Tu iras en France pour y établir un grand centre du Dharma. Tu as le karma nécessaire à l’accomplissement de cette tâche ». A cette occasion, le Karmapa lui donna l’entière transmission de la lignée et ses bénédictions, faisant de lama Guendune Rinpoché, un authentique détenteur de cette transmission. Karmapa lui montra alors différents plans de monastères traditionnels et de centres de retraites. Il lui dit qu’il aurait à construire des édifices similaires en France, un monastère pour les hommes et pour les femmes qui souhaiteraient dédier leur vie au bien de tous les êtres et des centres de retraites pour ceux capables d’approfondir leur pratique et devenir peut-être un jour des lamas aptes à enseigner. Il devrait également édifier un temple et des centres de diffusion du Dharma afin qu’un grand nombre de personnes puisse accéder à l’enseignement du Bouddha, ce qui serait très bénéfique pour les occidentaux. Enfin, il devrait construire un institut d’étude et une bibliothèque afin de préserver et traduire les textes précieux du Dharma. Cette nuit-là, il lui donna encore de nombreuses instructions et recommandations.

C’est fort de ces recommandations sur les différents éléments permettant au Dharma de s’établir de manière authentique et durable en Occident, que Guendune Rinpoché arriva en France en août 1975. Il était accompagné de quelques lamas dont lama Phurtsé. Il s’installa en Dordogne, dans la propriété offerte par M. Benson et se consacra dès lors, sans relâche, à l’œuvre confiée par Karmapa. Il y fonda Dhagpo Kagyu Ling qui devint le centre européen de la lignée karma kagyü. Au cours de sa deuxième visite en Europe, en 1977, le Karmapa acheva de lui donner toutes les instructions pour l’avenir, instructions que Guendune Rinpoché s’appliqua à mettre en œuvre pendant le reste de sa vie. Le centre de Dhagpo Kagyu Ling ne cessa de croître et d’accueillir des pratiquants de plus en plus nombreux, venus du monde entier. Les enseignements de Guendune Rinpoché, à la fois simples et profonds, parlaient de cette vérité fondamentale qui imprègne tout. Progressivement, il fut invité à enseigner de plus en plus et son activité s’étendit dans la plupart des pays d’Europe.

A partir de 1984, Guendune Rinpoché établit en Auvergne les centres de retraite, puis le monastère et enfin le temple, dans les années 90. Ce fut la naissance de Dhagpo Kundreul Ling, son lieu de résidence principal. Il y décéda le 31 octobre 1997 dans la chambre même où il avait vécu.

En une vingtaine d’année, il avait pratiquement mené à son terme l’œuvre gigantesque souhaitée par Karmapa. Et c’est finalement en 2014 que, poursuivant cette tâche, Jigmé Rinpoché, paracheva l’édification de l’institut d’études et de la bibliothèque. Les 5 éléments préconisés par le 16e Karmapa sont maintenant en place. Grâce à ces deux grands maîtres, les conditions sont à présent réunies pour que les enseignements du Bouddha soient préservés en Occident pour le bénéfice de tous.

Guendune Rinpoché était un maître de méditation parfaitement accompli, un véritable yogi dans la pure tradition du bouddhisme himalayen. Grâce à ses qualités, il a pu transmettre l’enseignement authentique de la lignée karma kagyü à de nombreux disciples, sans distinction entre les hommes et les femmes. Incarnation de la bonté, de la compassion et de la simplicité, Guendune Rinpoché a largement contribué à l’expansion de l’enseignement du Bouddha en Europe.

EN BREF, GUENDUNE RINPOCHÉ (1917-1997)

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EN QUELQUES MOTS

Les témoignages en quelques mots peuvent être savourés, lentement, avec curiosité, en se laissant imprégner peu à peu par la force, la compassion et la sagesse qui les ont suscités.

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PREMIÈRES RENCONTRES

La vie lentement s’écoule suivant une rythmique que cadence le temps. Avec la rareté d’un éclair sans orage, parfois, un heurt, une éclaircie, une déchirure dans les pénombres de la routine, une rencontre avec un être exceptionnel, une rencontre qui va tout changer ! Elle est l’aboutissement miraculeux d’infinies circonstances nées du passé, elle est comme une promesse de renaissance, l’aube du changement.
Ce recueil offre une image, une multiplicité d’images, de cet instant précieux, cet instant magique où la vie se trouve brusquement détournée de son cours. Ce recueil raconte la rencontre avec un être d’exception, Guendune Rinpoché. Chacun y livre son intime et singulière expérience et, cependant, l’ensemble, petit à petit, converge, esquissant le portrait d’un homme d’une fulgurante simplicité, dont l’amour, la compassion et le rire ont bouleversé bien des vies.

On peut désormais se procurer le recueil des Premières rencontres.